Réécoute le mieux tu verras qu’il est pourri.
(rires).
Ah haha wow, ou les plus lumineux des fois. Comme ça de but en blanc…j’ai une fâcheuse tendance à la cleptomanie éclairée, au Robin des Boi(s)nisme, comment on pourrait dire ? En fait je n’arrive pas à m’arréter de voler des trucs aux plus riches, souvent des grandes marques dans des grands magasins, après je repartage, soit avec personne, soit avec mes potes. Ça c’est un secret. Je suis un bandit sur plein de trucs, mais ça j’ai arreté d’en avoir honte. J’ai presque l’impression de faire le Bien.
Gabriel Ad’taleur, Gabriel à table !
Je suis un hypersensible, qui a des choses à raconter. Tout simplement.
C’est une super aventure en plus donc c’est rigolo. Alors c’est Guts qui s’est occupé du casting et nous avons eu un casting commun pour nos deux albums respectif (le sien est sorti déjà depuis un bon moment, je parle de estrellas), on a enregistré ensemble dans les mêmes studios avec le même ingénieur du son et les mêmes musiciens. Mais ces deux albums sonnent complètement différemment. C’était intéressant, je me suis aussi retrouvé tout seul à diriger une équipe, moi autodidacte et le plus jeune de cette équipe en plus. C’était une sacrée aventure et un sacré challenge. Assez flippant avant d’arriver en studio mais une fois que j’étais dedans, ça s’est hyper bien passé. Et donc il y a des titres que j’ai drivé car j’en avais une idée assez fermée et d’autres titres qui m’ont échappés car j’avais envie qu’on me propose des idées. Et ces deux titres en font partie, les tournesols notamment qui était juste un guitare/voix mais je voulais que ça jump, qu’on s’amuse un peu plus et c’est ce qui est arrivé. Le texte nous a fait penser… on peut penser bossa, on peut aussi penser Cap Vert, un petit mix en tout cas lusophone à fond dans l’ambiance. Cucurucho Valdés y est pour beaucoup, c’est un pianiste cubain. Et coquillage est vraiment l’ovni de l’album car c’est une co-composition, une co-écriture, donc c’est le morceau le plus commun à l’équipe donc de base, c’est un morceau qui ne m’appartenait pas. On s’est tous laissé plein de place dessus.
Dans notre société, complétement. Je viens d’une famille de marginaux, de base c’était ancré au plus profond de moi directement, c’était mon code barre pour la vie je pense. Ce qui m’a fait parfois souffrir mais ça m’a surtout donné de la force. Après musicalement, je pense que je fais un truc accessible mais c’est difficile d’avoir du recul. Forcément ma musique n’est pas du rap voicodé, ce n’est pas de la chanson française qui passe à la télé, ça reste quelque chose de différent. Je ne suis pas non plus trop intellectuel ou de niche, j’essaie de faire quelque chose de populaire mais original et singulier qui me ressemble. Ça se peut se jouer sur plein de platines différentes mais peut-être pas toutes.
Wow. Ma conception de la liberté c’est d’avoir le choix, de pouvoir choisir, forcément, dans le maximum de choses possibles, ce que tu écoutes, ce que tu consommes, ce que tu dis, qui tu veux côtoyer. La liberté c’est aussi d’être né avec une chance. On ne nait pas tous avec la même liberté, de façon sociale, géographique. Je cultive ma liberté, je cherche encore hein franchement je cherche encore, j’ai l’impression d’être libre à certains moments mais j’ai toujours fait partie d’un cadre et je pense que pour savourer ma liberté j’ai besoin d’un cadre. Mais c’est une quête, c’est pour toute la vie, il faut aussi faire des concessions quand on veut la liberté. Dans mon cas, la liberté est une grosse prise de risque, parfois j’y laisse des plumes, je n’ai jamais vraiment de regrets mais ça a un prix, pas toujours joyeux. Ça pourrait être la discussion d’une nuit entière…
Très prochainement !
Oui, oui, j’en ai plein…
Ouais ! (Rires) Mais j’en ai un qui me vient, c’est quand je pars au Mexique par exemple en 2009 et il faut prendre un aller-retour pour une question de visa etc. Donc je prends un aller-retour et comme je cherche le billet le moins cher je prends une semaine à Cancun sachant que je ne vais clairement pas rentrer après la semaine quoi. Et donc je suis dans un avion avec que des gens qui font une semaine à Cancun et là je me sens tellement libre, je me dis que là dans le retour, je ne serai pas avec eux déjà et à l’aller je jaugeais leurs préoccupations « est-ce que les Marlboro auront le même goût à Cancun, il vaut mieux qu’on en achète dans l’avion »… ensuite je discute avec une jeune femme qui ne supporte pas son mari et qui me dit « nous on part à l’aventure on va dans un hôtel à Tulum » et là je me dis « wow c’est ça la liberté de cette personne »… Je me sens tellement différent et libre de ne pas rentrer dans l’avion avec eux quoi. Plein de fois ça m’est arrivé, une fois je pars en vacances avec des amis, c’est souvent un truc où je décide de ne pas rentrer en fait. Quand les vacances sont terminées. Avec des amis parisiens je suis parti j’avais 18 ans, on est partis en road trip en Espagne et sur le retour, on se rapprochait de la frontière avec la France et d’un coup je leur dis « arrêtez la voiture, laissez-moi là !! » (Rires). Du coup les gars sont rentrés de vacances comme prévu et moi je suis resté 1 an, en Espagne (Rires). Avec mes bagages de vacances quoi (Rires).
Alors le sable… il peut être apaisant mais il peut engloutir aussi… c’est une matière qui est étrange quand même tu imagines ce nombre de petits cailloux qui sont devenus du sable. Je ne sais pas ça m’a toujours intrigué. Les grandes masses en fait, la mer, le sable les trucs immenses, l’impression d’être une fourmi à côté. On peut en faire plein de choses dans des textes, ça me fascine je ne sais pas trop pourquoi, tu peux en faire plein de choses, du sable et de l’eau. Ça me fait marrer et ça me rend tout petit. C’est une bonne question je vais y réfléchir.
Mon écriture est en cours, toujours, comment dirais-je ? Je commence à ressentir ce que je cherche depuis toujours, c’est-à-dire une sorte de relâchement. Ça commence à arriver, j’écrirai toujours mieux l’année prochaine et certainement encore mieux à 60 ans. Et ça fait partie des choses pour lesquelles j’adore vieillir entre autres. J’ai réussi à toucher à ça dans l’écriture, c’est-à-dire moins de jugement, moins vouloir plaire à tout le monde et que tout le monde comprenne forcément. C’est un peu plus ouvert, peut-être un peu plus poétique tout simplement, oui. C’est très ingrat l’écriture parfois mais dans le même temps c’est peut-être plus simple que ce que je croyais. C’est-à-dire que dans mes discussions, notamment la notre là en ce moment, j’arrive à puiser des trucs, tout est là et quand je vais me poser pour écrire une chanson, tout de suite il y a une salle remplie devant moi, dans mon imaginaire, il y a aussi la radio et mes proches, mes auditeurs, un label, mes producteurs. Je m’ajoute, je pense, des complications mentales (jusqu’à maintenant en tout cas), comme une discussion avec un pote, par exemple mes meilleurs textes c’est comme si j’écrivais une lettre à un pote, je pense à la chanson les tournesols je l’ai écrite comme ça, comme je t’enverrais un mail presque. Je l’ai écrite et c’est fini. C’est tout ce que je voulais dire à mon pote. Elle est simple putain c’était facile presque. Parfois j’ai passé des semaines sur un texte et finalement bon il ne sort pas, il me touche moins. C’est mystique après, je l’ai compris ces dernières années, j’appelle ça le flux, c’est-à-dire qu’il y a parfois des états émotionnels et physiques où tu es super inspiré, tu peux écrire, ça coule. Mon exercice maintenant est de chercher à retrouver cet état et j’ai compris que ça passait par le physique. J’ai besoin d’être en forme, de me lever tôt, de petites choses comme ça. Forcément quand le ciel est bleu ça m’aide un peu plus. Il y en a qui écrivent dans la nuit, quand ils sont tristes. Moi j’essaie de réunir les conditions physiques pour que le flux me transperce.
Ah ouais? c’est cool. Autant se marrer. On passe en 2 secondes sur la Terre alors autant qu’on rigole un peu quoi (Rires).
Eh bien figure toi que je me sens hyper pauvre, surtout en ce moment car je n’ai pas beaucoup de temps à m’accorder, j’ai besoin de temps, de calme… mais je bouquine toujours un peu. J’ai lu Bel-Ami de …
Maupassant. Il m’a pris 3 mois à lire c’est pour te dire où j’en suis. En revanche j’adore lire mais j’aimerais avoir plus de patience. J’ai toujours besoin de surexcitation mentale mais plus ça va et plus j’ai l’impression de pouvoir m’attaquer à des choses plus profondes et ça c’est hyper gratifiant, ça fait du bien d’accéder à des livres auxquels j’aurais eu du mal à accéder il y a quelques années. J’aime bien ce sentiment de maturité intellectuelle. En ce moment je suis en train de lire Sénèque …
Non, je suis en train de lire vie merveilleuse ou attend c’est quoi ? attends je l’ai là je vais regarder…
De la vie heureuse. J’ai lu aussi Epicure il n’y a pas longtemps mais ça il faut s’accrocher. Mais j’aime le challenge. Même dans la lecture je vais aller chercher mes limites…
(Rires).
Oui j’ai dû le finir mais je ne m’en rappelle plus. J’ai une mémoire pour les films et les livres… je suis nul. Dès que je finis j’oublie tout. Donc je prends des notes quand je lis, enfin j’essaie. Même quand j’écoute des podcasts, bon quelquefois j’ai la flemme quand même. Mes textes sont au début du carnet et mes notes sont à la fin du carnet. Il y a par exemple une phrase de François Truffaut qui m’a plu, de Cocteau qui a dit ci ou ça. Parfois j’en ressors une en société (Rires).
J’en écoute énormément… et c’est ma berceuse…attends je cherche du feu, excuse-moi… J’écoute énormément Affaires Sensibles sur France Inter. J’adore la voix, le rythme, le choix des mots. J’ai arrêté de regarder des films et des séries, maintenant je m’endors en écoutant des podcasts. J’adore aussi Stéphanie Duncan, les histoires d’espions là…tu connais ?
Faut qu’on s’en partage, quand on tombe sur des pépites.
Grave, alors ça c’est cool comme sujet ça me plait beaucoup. Figure-toi que la maturité que j’ai eue, je ne sais pas d’où ça vient en fait… quand on est un garçon, on a besoin de prouver qu’on est fort, qu’on est résistant etc. Je suis passé par là. Enfin, la société nous fait sentir qu’on a besoin de, ou plutôt l’ancienne société, celle qu’on a connu dans les années 80, 90. Il y a un moment où j’ai réussi à m’affranchir de ce truc-là. Comme ci je n’avais plus rien à prouver à ce niveau-là et puis je m’en fous quoi en fait. Et j’ai énormément cherché à passer beaucoup de temps avec les femmes, que je trouve plus intelligentes que les hommes en général. On peut parler avec elles plus facilement de choses profondes et se livrer. Je me sens hyper féminin. Je n’ai aucun problème avec ça. Je ne sais pas comment ça s’est débloqué mais j’en suis hyper fier. J’ai du mal avec beaucoup de garçons et d’hommes, notamment dans la musique, ça ne me touche pas quand ça manque de féminité. C’est vrai ce que tu dis, c’est assez fort que tu l’aies remarqué. J’assume à fond et je le cultive aussi, peut-être aussi parce que j’ai été pas mal élevé par ma grande sœur, en partie, qui est beaucoup plus grande.
Oui, alors ça, ça serait un livre, d’ailleurs on en reparlera de ça. Il y en a tellement (Rires). Alors, j’étais en Equateur, alors déjà je monte dans le bus et je dis au gars « je monte dans le bus, j’ai pas d’argent, mais pendant le trajet je vais récolter assez d’argent et à la fin du trajet je pourrai te payer ». Le mec me laisse monter, ce qui n’est pas si évident par exemple à la RATP ou à la SNCF quand tu proposes ce genre de deal. Alors le mec me laisse jouer et je joue, je joue, je dis « bonjour je m’appelle El Gato Negro », et là toutes les femmes rigolent et tous les mecs froncent un peu le sourcil tu vois. Je joue, je joue, je passe le chapeau et seules les femmes participent. Et au bout de 2 semaines que je suis en Equateur, on m’explique que El Gato Negro ça veut dire « voleur de femmes » dans leur argot. Du coup c’est comme si tu te pointes dans un bus et tu dis « salut je suis un voleur de femmes », et tu commences ton concert comme ça. Voilà une anecdote rigolote. Mais il y en a plein, parfois je me suis retrouvé dans des bus, tout le monde chantait, ils voulaient que je dorme chez eux, je me suis retrouvé avec des gamins sur les genoux. Tu rentres dans le bus, tu ne connais personne et ça finis dans une espèce de rêve délirant quoi.
En fait j’ai un peu arrêté de chanter dans la rue et dans les bus. Parfois j’en ai encore envie. Mais c’est hyper dur quand même, il faut crier, il faut forcer sur la guitare et je n’ai plus envie de ça. Faut chanter hyper haut et fort, je m’arrachais les cordes vocales laisse tomber. Maintenant j’aime bien être branché (rires).
Trop bien mec putain. Ça fait du bien une vraie interview. Il y a tellement de questions banales parfois, aucun rythme. Ça ne t’amène à rien.
Grave, et puis je me sens tellement en confiance aussi (Rires), on peut se livrer. On est tous les deux des sensibles.
Propos recueillis par Sullivan Lépine à Grenoble le 30 janvier 2024.
Crédit photos : Elliot Broue